L’humain est partie d’un « Tout Universel », fait de vivant et d’éléments naturels … l’Homme appartient à la Nature, il en est partie et descendance. La réciproque n’est pas vraie, la Nature n’appartient pas à l’Homme ; rares sont les artistes et les poètes qui ne perçoivent pas cela ou ne le disent souvent. Tout homme peut comprendre et reconnaître les rythmes, les bruits, les formes, les couleurs de la Nature comme « harmonieuses », car elles sont en harmonie avec son être profond.
Charles Le Goffic, poète et écrivain breton, Académicien (né à Lannion en 1863), a traduit admirablement en son temps ce sentiment d’unité, de fusion et de reconnaissance dans une poésie merveilleuse, aux rimes si riches et si justes qu’elles semblent lui avoir été soufflées par … ce « quelque chose qui nous dépasse mais fait lien entre nous », que chacun appelle comme il veut … :
Je suis revenu seul par Landrellec. Voici
Qu’au soir tombant l’ajonc s’est encore épaissi
Et qu’à force d’errer dans le vent et la brume,
Si tard, sous le ciel bas fouetté d’une âpre écume,
Et d’entendre à mes pieds sur le varech amer
Toujours, toujours ce râle obsédant de la mer,
Et de voir, quand mes yeux retournaient vers la côte,
Des peurs sourdes crisper la lande épaisse et haute
Et la brume flotter partout comme un linceul,
J’ai senti que mon mal n’était pas à moi seul
Et que la lande avec ses peurs crépusculaires,
Et qu’avec ses sanglots profonds et ses colères
La mer, et que la nuit et la brume et le vent,
Tout cela s’agitait, souffrait, était vivant,
Et roulait, sous la nue immobile et sans flamme,
Une peine pareille à la vôtre, mon âme.
Charles Le Goffic
Le Bois Dormant, 1900.
Dans un autre registre (moins talentueux! ), voici quelques uns de mes poèmes, je profite de ce site pour les partager ! Un poète n’écrit pas que pour lui…
Terre et mer
Des oiseaux blancs,
Comme des morceaux d’écume, des pétales
S’écrasent au sol
Avec le vent
Portés par leurs voiles claires
Crissant comme des mâts, des haubans
Ils viennent jusque dans les terres
Sur les lourds labours du printemps
Contre le bleu gris
Ils émerveillent
Mon regard
De bleu sombre, de brun-rouge, de ce blanc doré
De l’ajonc ployant sous ses chaudes fleurs
Je me régale
C’est la fin d’un rêve?
Ça m’est égal!
Matin
Le ciel est changeant, parfois brillant
Les couleurs se réveillent sur le damier des collines
Jaune acide des colzas, brun d’une terre fertile
Vert tendre des feuilles nouvelles accolé
Au blanc léger
Des aubépines
Comment les rustres corps des pommiers
Peuvent ils faire naître la délicatesse
Des fleurs ?
Les genêts
Au mois de mai dans nos campagnes, ils s’inclinent comme pour une prière
Les genêts jaunes, les genêts blancs, chargés de fleurs de lumière
Des fleurs généreuses et plastiques ouvertes en un feu d’artifice
En de grands bouquets magnifiques
C’est un hommage à la Bretagne, ces traînées d’or et d’argent
Peintes sur de solides plants
Accrochés au granit, accrochés à leur terre, houleux et souples comme une mer
Forts et tenaces comme l’Atlantique
Les cheveux fous, ils dansent au vent
Ils ploient, ils fouettent ou se hérissent
Quand sous la chaleur ils transpirent
C’est comme la marée, le varech : des senteurs lourdes qui entêtent
Une beauté n’est pas parfaite !
Elle saoule comme un élixir…
Lorsque s’éteignent leurs lumières jaunes, leurs gousses brunes craquent au vent
Comme des noisettes sous la dent
Des fruits mystérieux et chantants
Au fond des poches des enfants.
Terre Bretonne
Mon pays, ma terre,
Le vent y creuse l’envie de vivre
Au milieu du gris, du bleu,
De l’émeraude
Du sable doux des dunes blanches
Et de la pierre
Dans les campagnes
Le soc d’acier dans son sillon
Crisse avec les pins
Et les goélands.
L’odeur acide de la terre, des genêts lourds, de la bruyère
La vanille fraîche des ajoncs
Saoulent comme le cidre
Sous le soleil
L’Atlantique là-bas s’étend …
Ah ! filer vers la mer !
pour voir jouer ses écumes blanches
telles un lait crémeux et doré
Qui se mêle au turquoise
Et au noir des rochers
Pleurs du ciel
Pleurs de notes, musique de l’âme
Et vraies légendes
Habitent ma Terre
Que je n’habite plus assez.
Mais mon cœur reste accroché sur ses côtes
Entre Morgat et Le Bono.
Ode à mes chats
Luna
Tout de gris-bleu,de blanc-gris, de rose et de crème,
Ma douce chatte
Entre deux cercles lunaires
Coule ton profond regard de pierre
Vivant, comme un hologramme
Reflets d’argent
Sur du velours
Un tigré délicat descend, doucement,
Au bout de tes pattes
Indépendante et sauvage petite âme !
Tendre et dangereux animal !
C’est lorsque mon coeur a mal,
Que ta présence me rassure
Tu soignes un peu mes blessures
D’amour
Mon bibou
Tigre élégant mais gris et blanc
A la démarche de puma
Et petit
Petit coeur contre mon coeur
Ton doux parfum
De vanille et de pain
Me manqueras
Non ne meurs pas , ne meurs jamais
Reste près de moi
Petit bavard
Yeux de velours
Cernés de khol
Robe en satin
Je te servirai pour toujours
Mais ne pars pas
Mon chat
Coco
Mon courageux
Mon fier tigré
Mon baroudeur
Mon bouddha doux
Aux yeux d’opale
Boule de neige et de blés mûrs
A belle allure
Tu as souffert
En dignité
Et en patience
Je t’ai aimé
La lune
Cette petite lune qu’on a mise là,
Pour éclairer nos nuits
Pour bien nous garder d’avoir peur,
Enfants chéris
Tendrement elle nous éclaire
Pour qu’on n’oublie pas les couleurs,
Qu’on s’endorme dans la douceur
De mélanges de complémentaires
Une lueur près de la Terre
Quand le soleil la délaisse
pour prodiguer d’autres caresses
Vers l’ouest
Une lueur pour que l’on voit
De notre paradis
Le rêve d’un astronaute
Des ombres bleues sur la neige
Un reflet d’argent sur la mer
Un blanc claquant
Pure lumière…
Qu’on le compare aux ténèbres
De nos âmes !
Là, une fenêtre
Dans le bleu roi
Un disque blanc d’eucharistie
Douce, immortelle
Et bien plus haute
Que les néons publicitaires
Paysage avant l’usine
Oh quiétude infinie
Douceur
Repos après l’effort
De doux paysages
De tendres ciels
Sont mon décor
Sous la gelée
Tout est vert-blanc
Tout est si clair
Et je m’endors
Contre les flancs
De la colline
Qui se réveille et s’illumine
Soudain se lève un éclair d’or
Et la lumière couleur de miel
Fond le décor
Ce blé mouillé
Ébouriffé, fait négligé !
Mais bientôt, Oh non!
Silence, enfermement
Travail
Pendant ce temps
Les arbres scintillants dansent au vent
Sur ce ciel entrelacé de nacre
D’argent
Sur cet azur clair et brillant
Mon Dieu comme ils sont vivants !
Morgat,Saint-Hernot, sentier côtier.
Ma Bretagne cache au creux de ses bras
Un trésor
Un lieu où tout est harmonie,
Beauté suprême…
De hautes falaises blanc-crème
Irradient sous le soleil
Parmi les pins, la bruyère
Et les fougères
Des joyaux translucides
Turquoises, or jaune pâle
Indigos, verts
Scintillent
Bouquet de vie calme
A l’abri
Des bruits du monde,
Bénéfiques ondes.
C’est un lieu où je pénètre
Les larmes aux yeux,
Cœur battant et sens en éveil…
Ô parfum d’iode et de miel !
Ô vent léger !
Camaïeux des bleus de la Terre
Brumes argentées,
Horizons lointains qui s’étendent
Au-dessus des landes.
Ô vertigineuses falaises !
Humilité.
Poudre rose sur le chemin,
Odeurs boisées des pinèdes,
Goût de la sève d’un pin,
Fragment de roche dans mes mains,
Roche blanche semée de cendres
Morceau de Sud tombé du ciel
Qui se fond dans une mer
De fraîcheur et de lumière…
Je veux descendre
Toucher l’eau claire et m’y baigner :
Baptême.
Foi de peintre
Je t’appartiens,
Je t’aime.
Les cygnes
Là, sur les reflets électriques
D’un ciel bleu
Nuages blancs
Glissent dans un mouvement lent
Des princes magnifiques
Ligne superbe, ligne impeccable
Créatures au charme implacable
A notre orgueil, ils portent un coup!
Quelle grâce, quelle délicatesse
Dans la courbure de ces cous
Dans les creux de ces ailes douces :
Élégance aussi dans leurs voiles
Où perlent telles des diamants
De moelleuses gouttelettes
Et ce maquillage !
…Fait seulement d’encre de chine
De ses traits noirs
Oh! Beauté que rien ne voile
Pure et simple
Et si fragile
Devinent-ils
Que peintres et poètes
Leurs amants
Rêvent de vivre
Dans leur sillage ?
Il faudrait mourir de chagrin
Il faudrait mourir de chagrin
Pour vous qui souffrez
Au bord des chemins
Qui mourrez
De nos mains
De nos silences
De nos absences
De nos égoïsmes
Notre dignité ne se rachètera pas
Pas même
Avec des poèmes .
Jacinthe-surprise
Bouquet parfumé
Jailli d’un écrin satiné,
Bombe de feu d’artifice
Mais qui ne bouge…
Oh la belle blanche ? Oh la belle bleue ? Oh la belle rouge ?…
Oh la belle rose ? … Ou parme ? …
Quelle malice,
Et quel charme !
T’aurais je bien devinée ?
J’ai hâte de te humer…
Le bout de ta tige plastique
Perce un matin à bonne allure le velours
De son soyeux nid de pelures violacées –métallisées.
Puis, c’est fantastique :
En quelques jours,
Cent clochettes de conte de fée
Embaument l’air tout près de toi.
Si bien qu’éloigner mon nez
Est si dommage à chaque fois !
Jonquilles…
Quoi mieux qu’un bouquet de jonquilles
Évoque la fraîcheur du printemps ?
Divin élixir des sous-bois
Son parfum tendre est envoûtant
Si doux et acide à la fois !
Oh petits soleils des forêts !
Astres sylvestres pâles et frais
Aux senteurs vertes de sève, de sucre
S’évanouissant au crépuscule
Quand se ferment les abat-jours
De ce peuple de feux follets.
Puis au matin sous la rosée
Leurs pétales jaunes s’écarquillent
Dévoilant couronnes orangées
Ou collerettes de vanille
Dentelées et fièrement portées
C’est ainsi que les elfes les habillent !
Je me plais dans leur paysage
Beauté gracile et généreuse
Don éternel aux nobles arbres
Égayant leurs heures frileuses
De danses enjouées ou sages.
Et moi, mon bouquet à la main
Je ressens l’émoi enfantin
D’avoir là un rare présent
Et de quoi éclairer l’hiver
Ou les pires de nos tourments.
Lilas
Oh, doux lilas,
Légers bouquets si délicats,
Grappes d’étoiles qui dégringolent
Avec grâce, en paraboles.
Dons du printemps
Amas charnus, nuages frais
Mauves ou blancs
Constellations de papillons
En équilibre
Dans la calme respiration
D’un bel arbre
Au bout de vos noueuses tiges
De bois vert
Vous reposez
Sertis d’un berceau de feuillages.
Et si par une brise légère
Votre parfum est emporté,
Que par chance, j’hume l’air
Dans son sillage
Ou si je rapproche mon nez
De votre écrin
( Là vous me chatouillerez !)
Je serai prise du doux vertige
De vos senteurs qui enivrent
Telles le vin
Oh sensuels raisins de fleurs
Nids de bonheur
Plaisir divin !
Pardonnez si je vous délivre
De votre arbre
Et de vos frères vous sépare
Pour vous mettre dans un vase
Tout près de moi…
Pin millénaire
Armure de gris métallique
Autour d’un cœur tendre sanguine
Fait de couches circulaires :
Printemps, été , automne, hiver…
Qui par centaines,
Se figent.
Vénérable cime altière
Grinçante
Secouée par des brises légères
Lancinantes
Vertige !
Mais je respire
Par toi
Par ton parfum et par ta loi.
Tes écorces préhistoriques
Me dessinent des personnages
Des animaux et des visages
Pour meubler les heures statiques
Les branches autour de toi s’ébattent
Mais nulle ne détourne de toi
Tu es la force et le pavois
De ce lieu.
Le rouge-gorge
Boule de plumes ébouriffée
Légère
Petit effronté
Rouge de colère
Poitrail vermillon
Becquée de fourmillons
Bataillons , bataillons
Sautillons, sautillons
Chantons, chantons !
La mésange bleue
Jaune bleu blanc noir
Joli costume de bal
Masqué pour
Belle mésange élégante
Enchantement voletant
D’arbre en arbre
S’accrochant et décortiquant
Habilement
Des graines.
Quatre saisons
L’automne premier poème
Le ciel s’obscurcit et pleure
Puis rit à nouveau dans le vent
La forêt revêt
Son habit de couleurs :
Col roux, care rouge et chaussons d’or
Les feuillages sont comme vivants
Il en pleut mille trésors
Et la nuit vient de bonne heure
Comme si une fée jetait des sorts
L’automne parisien, second poème
L’été n’est plus
L’automne arrive
D’or et de rouille
Ciel d ‘orage sur l’autre rive
Eclats d’argent : les quais se mouillent
J’ai dans ma poche des marrons
Bien lisses et doux
Le cœur bercé par le ronron
Du chat qui dort sur mes genoux
Mes yeux attendent sagement
Telle une fête
Qu’explosent les couleurs des feuillages, pétards mouillés
A mes fenêtres.
Odeur de bois, de pluie dorée
Et de brouillard
O ciels souillés de fusain noir !
O temps folâtre !
O vent du soir !
L’été n’est plus, l’automne est là
Mon amie reste auprès de moi !
L’hiver
Poème 1
Magie d’hiver
L’hiver
Les étoiles sont-elles
Les pointes des baguettes de fées glacées
Qui descendent dessiner
Des duvets blancs sur nos fenêtres ?
Sous la froide lune d’argent
Logée dans le noir firmament
Mon souffle est nuage blanc
Vivement que je rentre maman !
J’aperçois ton ombre tendre
Derrière la fenêtre orange
Je sens l’odeur de la cannelle et du chocolat ….
Je respire, parfums délicats :
Sapin, jacinthe et clémentines
Ce soir je dors dans mon lit chaud
Je rêverai d’anges et de cadeaux
Poème 2
Neige
Un manteau moelleux crisse sous mes pas
Des flocons légers jouent avec moi
La neige a coiffé la nature et toute chose
De beauté pure
De silence d’or
Et de paillettes d’argent
La tempête
La tempête n’en fait qu’à sa tête.
Elle a un toupet inouï
De nous réveiller la nuit
Elle casse les murs les branches, les arbres,
Tout en restant de marbre
Je préfère la brise, l’alizé,
A tant de choses brisées !
Printemps
Haïku
Aux premiers arbres en fleurs
Les mots bourgeonneront
Dans le cœur des poètes
Poème 2 (inspiré de l’haïku ci-dessus)
Aux premières fleurs du printemps
Qui s’allument
Bourgeons de mots dans mon cœur
Poèmes au bout de ma plume
Pétales
Lumières d’écume
Sur le bleu du ciel
Douceur et fraîcheur
L’été
Ô merveille !
Des morceaux de soleil
Réchauffent ma peau
Salée
Halée
Je respire la mer
Je bois sa fraîcheur
Azurée
Vent de liberté
O ligne pure, plumage blanc et argenté
Des goélands, des mouettes
Vol plané
Au-dessus de ma pauvre tête
D’humanidé
O Sable doux adoré
Oyats fous et sentiers volés
« Il faudrait mourir de chagrin »
Il est très joli celui-ci
bisous
k
Commentaire by kat — 20 juin 2009 @ 22 h 39 min